8 Français sur 10 ont ou auront mal au dos, et près de 4 personnes sur 10 en ont souffert au cours des 12 derniers mois. Lumbagos, sciatiques, torticolis… selon les individus, les douleurs se logent à différents endroits. Si les causes sont nombreuses, elles remontent souvent bien au-delà d’un problème physique. Et si le mal de dos était un appel au changement ?
Par Moutassem Hammour, D.C.
Principal facteur d’invalidité chez les moins de 45 ans, le mal de dos est aussi la première cause de consultation dans les centres antidouleur(1). L’origine de ce mal, qui touche, chaque année, une part croissante de la population, apparaît comme étant multifactoriels. En effet, il semblerait qu’en plus d’une faiblesse physique, d’un mauvais geste, d’une chute ou encore de la fatigue ce soit notre attitude mentale qui nous prédispose à ce mal universel. Or, aujourd’hui encore, le premier réflexe est de s’attacher à la douleur sans se préoccuper du cadre et du mode de vie. Cette solution s’avère non seulement inefficace, mais elle prive l’individu de l’opportunité d’évoluer.
Faut-il bâillonner le symptôme ?
Lorsqu’une personne consulte pour une lombalgie, un traitement médicamenteux est généralement proposé. Des antalgiques (paracétamol, codéine…) en passant par la famille des anti-inflammatoires (ibuprofène, corticostéroïdes…), en allant même jusqu’aux antidépresseurs, les médicaments sont souvent prescrits en fonction de la sévérité et de la chronicité des douleurs. Le soulagement temporaire et les risques d’effets secondaires associés à ces produits(2) soulignent leurs limites. Lorsque le mal persiste, le patient peut alors se voir recommander une intervention chirurgicale. Là encore, les bénéfices de cette démarche semblent parfois insuffisants. D’après une étude portant sur les effets, les modalités et les coûts d’une telle prise en charge(3), les chercheurs ont conclu que la chirurgie nécessitait une lourde mobilisation du système de soins, sans pour autant éviter des répercussions importantes sur la qualité de vie et le devenir socioprofessionnel des patients.
La limite de ces approches est compréhensible. La prise de médicaments et l’opération impliquent une complète passivité d’un individu traité. Or, c’est justement dans les actions quotidiennes de ce même individu que se trouve l’origine de son mal. S’il voit la douleur disparaître, retourne à son domicile en percevant la vie de la même façon et en continuant à faire les mêmes choix, il apparaît évident qu’il va s’exposer à une autre manifestation du corps, souvent plus sévère que la première. On comprend alors que supprimer la douleur sans en comprendre l’origine n’est pas une solution efficace sur le long terme. Mais pourquoi a-t-on mal au dos ?
Stress et lombalgie
Les maux ostéo-articulaires reflètent souvent une tension face à ce que l’on vit. Une activité physique difficile, une position assise toute la journée, une chute de ski ou un accident de voiture représentent des contraintes physiques auxquelles le corps doit faire face. Il est évident que ces dernières, lorsqu’elles se répètent ou sont d’une haute intensité, risquent d’affecter le dos en causant tensions et douleurs. Cependant, John Sarno, professeur en médecine de réhabilitation à l’université de New York, et auteur de Say Goodbye to Back Pain (Ed. Warner Books), note que la cause physique semblerait être la goutte qui fait déborder le vase. Selon lui, le mal de dos est initié par un stress émotionnel comme, par exemple, le sentiment chez un individu de la perte de contrôle dans un domaine de sa vie. Le docteur Christopher Kent, chercheur et chiropraticien, en arrive à la même observation à la suite d’une synthèse de plusieurs études(4) : « Les facteurs psychologiques et sociologiques, particulièrement la satisfaction au travail et la perception de contrôle sur notre vie, sont les meilleurs indicateurs du risque de développer un mal au dos.(5) » Selon le docteur Kent, il y aurait une plus forte corrélation entre une lombalgie et un stress au travail, qu’entre un mal de dos et une hernie discale identifiée par un IRM. En d’autres termes, vous avez plus de chance de développer une douleur au dos si votre patron vous réprimande abusivement que si vous avez un disque usé !
Claudine Corti, chiropraticienne et écrivain, ajoute que la zone de douleur est souvent en relation avec le type de stress (voir notre interview). Par exemple, le sentiment d’être bloqué dans une situation risque de créer des tensions dans le haut du dos, alors qu’une lombalgie peut apparaître chez un individu qui voit son quotidien chamboulé par un imprévu.
Un mal aux origines diverses
C’est donc une combinaison de nos accidents passés et de notre mode de vie actuel, associé à notre aptitude à faire face au stress, qui va déterminer la sévérité et la durée d’un mal de dos. Il devient évident que se concentrer sur la douleur, sans s’occuper du cadre de vie, est voué à l’échec. La lombalgie reflète la dynamique dans laquelle un individu peut se trouver. Une crise amène souvent la personne à ralentir, et, dans ce sens, elle a son utilité. L’attitude la plus sage serait alors de réfléchir à son quotidien et faire certains changements appropriés. Cela va néanmoins à l’encontre de notre culture, où la gratification immédiate prime sur tout. « Enlevez-moi vite cette douleur pour que je puisse reprendre mes activités ! » Celles-là mêmes qui sont à l’origine du mal…
Il existe pourtant une autre solution. Celle de réapprendre à s’écouter et installer de nouvelles habitudes qui vont dans le sens d’une bonne santé. Évidemment, cela nécessite du temps et une réelle volonté de reprendre en main son bien-être. L’aide d’un praticien de santé peut alors s’avérer essentielle afin de transformer une crise douloureuse en une opportunité pour apprendre à mieux vivre. Seule cette démarche pourra alors réduire considérablement le nombre de personnes souffrant de ce « mal du siècle ».
Notes
(1) Source : www.doctissimo.com
(2) Rien que pour le paracétamol, 5 335 intoxications hépatiques ont eu lieu en 1990, soit 3 boîtes vendues sur 100 qui conduisent à une hospitalisation. Source : www.doctissimo.com
Antidouleurs : gare à la surconsommation ! Article issu d’un rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).
(3) Rev Med, Assurance Maladie, 2004.
(4) Horng Y-S, Hwang Y-H, Wu H-C, et al : Prediction Health-Related quality of life in patients with low back pain. Spine, 2005.
Award-winning study finds main predictors of serious back pain to be psychosocial. Back Letter. 2005.
Hadler NM : Edotorial : The Semiotics of back pain. Spine, 2004.
(5) Conférence Audio. On Purpose, August 2005, piste 8. www.subluxation.com
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